Le prix hors stratégie ou toute strateg’eat comprise
Parmi les sujets les plus complexes à aborder, le prix occupe une place centrale. C'est un véritable casse-tête pour l'opérateur et une source de multiples difficultés pour le fournisseur.
Bien que je ne sois pas un expert en la matière, j'ai souvent eu l'occasion d'évaluer les prix pour divers acteurs de l'industrie du foodservice. Toutefois, j'ai du mal à les analyser en profondeur pour en comprendre la stratégie et les différents enjeux. Comme tout consommateur, je suis capable de reconnaître quand une offre semble déraisonnable, surtout si rien dans l'assiette ou ailleurs ne justifie un prix élevé.
C'est pourquoi cet article accueille avec plaisir Stephane Wald, avec qui j'ai la chance de collaborer. Sans dévoiler trop d'éléments, Stéphane partagera sa vaste expertise sur les prix et leurs impacts.
De manière générale, il est évident que le prix joue un rôle crucial. Il représente un défi majeur dans le secteur de la restauration, mais il n'est pas le seul facteur de succès. De nombreux enjeux se cachent derrière les prix.
– L'image de l'établissement : un établissement peut être rapidement catalogué comme "trop cher", que ce soit à cause du prix d'une recette emblématique ou de l'ensemble de la carte. Si le restaurateur ne souhaite pas se positionner sur le segment haut de gamme, il doit alors ajuster ses prix et soigner sa communication pour faire évoluer son image.
– La segmentation du point de vente : En restauration à table, les établissements ont toujours été classés en fonction du ticket moyen par repas. Ainsi, la restauration haut de gamme est souvent associée à un ticket moyen supérieur à 60 € (prix moyen par personne, TTC). La restauration moyen-haut de gamme se situe entre 30 et 60 €, tandis que la restauration classique, ou « casual dining » dans les pays anglo-saxons, se trouve en dessous de 30 €.
Cependant, cette classification est discutable car elle varie en fonction de l'inclusion ou non des boissons dans le ticket moyen, surtout si celles-ci représentent une part importante du repas selon la thématique. De plus, certains établissements adoptent un positionnement très différent entre le service du midi et celui du soir, rendant difficile leur catégorisation.
C’est également vrai pour la restauration rapide. Au cours des 15 dernières années, l’émergence du fast casual (restauration rapide haut de gamme), qui a évolué parallèlement à l'expansion du marché, s'est différenciée du fast-food principalement par le prix. Autrefois, dépasser les dix euros constituait une frontière et faisait partie des caractéristiques du fast casual, mais aujourd’hui la restauration rapide affiche un prix du repas moyen supérieur à dix euros depuis quelques années. Cette limite n'est donc plus pertinente. On considère désormais que le fast casual se distingue lorsque le ticket moyen dépasse largement la moyenne du marché de sa denrée de plus de 30 %.
Cette approche permet aussi d’intégrer dans le fast casual, tels que les coffee shops, les hot-dogs ou les glaciers, qui se situent naturellement sous les 10 €. La segmentation est essentielle pour les fournisseurs, car elle permet d'identifier différents types d'établissements et d'offrir des produits adaptés (approche catégorielle). Elle est également utile pour les consommateurs, qui peuvent, en consultant la carte en ligne d’un restaurant — ce qui devient une étape de plus en plus fréquente (voire un standard) avant une réservation — se faire une idée du type d'établissement et de la « dolorosa » à prévoir.
Le prix joue ainsi un rôle déterminant, fournissant des informations immédiates sur la nature de l’établissement et influençant, en toute logique, l’affluence. En effet, lorsque les clients recherchent un moment de détente et de plaisir gourmand, ils cherchent avant tout un bon équilibre entre qualité, prix et satiété (en intégrant la notion de promotion dans le prix).
– La stratégie de l’établissement : En observant les prix pratiqués, on peut souvent deviner les choix du restaurateur - son désir de faire plaisir, de faire découvrir, le potentiel de son offre, et sa transparence. Derrière chaque prix, il y a un coefficient de marge. Stéphane reviendra sur les différentes méthodes utilisées pour fixer les prix d'une carte.
Toutefois, lorsque l’on a l’habitude de fréquenter les restaurants, il devient assez facile de voir si l’opérateur profite exagérément de ses marges, ou s'il reste dans les standards raisonnables.
En effet, c’est souvent à travers la proposition de dessert, le choix des vins ou encore le plat du jour que l’on peut réellement saisir la stratégie d’un restaurant traditionnel. Le plat du jour illustre parfaitement la montée en gamme et l'amélioration de la qualité de la cuisine dans les restaurants français. Il est désormais la véritable signature de l’établissement. Si le plat du jour est beau et savoureux — même s’il découle souvent d’une opportunité de déstockage — il est peu probable que le reste de la carte soit de moindre qualité.
Ce plat du jour est fréquemment perçu comme un produit d’appel, à l’instar de ces meubles que Conforama propose à chaque rentrée pour attirer les clients en magasin. Cependant, dans le secteur de la restauration, ce produit d’appel évolue constamment pour s'améliorer et séduire durablement la clientèle.
Définir un prix a de nombreuses répercussions, mais l'aspect le plus important reste son caractère difficilement réversible. Le vrai défi, ce n’est pas tant de fixer un prix que de le modifier par la suite. Pour un restaurateur, changer un prix peut s’avérer délicat, d’autant plus qu'il redoute souvent que ses clients, même réguliers, scrutent la carte à la recherche de hausses pour s’en plaindre.
Cette perception est cependant discutable, car plusieurs raisons peuvent justifier une augmentation de prix, à commencer par l’impossibilité de comparer un plat du jour avec un autre. Pourtant, il y a souvent une gêne à évoquer ces hausses, au point que certains ajustent les prix sans justification, espérant que cela passe inaperçu.
– Ce qui souligne un autre enjeu : la définition des prix en période de crise. Faire évoluer son offre et ses prix en fonction de l’inflation ou d’une crise économique est souvent un casse-tête. Dans le cadre de la crise inflationniste, les consommateurs au restaurant ont montré qu’ils attendent des explications ou, à tout le moins, une communication lorsqu’une hausse est appliquée. Ils s’opposent également à la "shrinkflation", c’est-à-dire à la réduction des portions tout en maintenant le prix.
Certains restaurateurs ont choisi cette option pour éviter d’augmenter les prix, tandis que d’autres ont dû les revoir à la hausse, souvent sans explication. Quelques-uns ont opté pour la transparence, en augmentant leurs prix tout en conservant des options plus abordables, laissant ainsi le choix au client.
Le consommateur, face à une augmentation jugée excessive, n'aime surtout pas se sentir piégé. Proposer une option accessible permet de le laisser décider entre une offre plus gourmande et coûteuse ou une alternative plus économique. Cette tendance est visible dans certains établissements qui augmentent les prix des boissons, appliquant des marges élevées sans offrir d'options plus accessibles, notamment pour le vin. Cela peut créer des frustrations chez le client, et il n’y a rien de pire qu’un client mécontent, même dans les dernières secondes. Je dirais même surtout dans les dernières secondes. Ce sont souvent eux qui laissent des avis négatifs pour des détails, comme un café pas assez chaud après un bon repas.
Quel que soit le prix, il y a toujours de la place pour le premium, qui permet d’améliorer l’expérience de consommation et d’inciter à dépenser plus. « Loi de Coughlin », il n’y a que peu de consommateurs, sauf peut-être les très gros consommateurs comme moi (en faisant bien sur référence à la fréquence de visite), les promoteurs immobiliers qui passent leur temps autour d’une table, les critiques gastronomiques, et leurs copains Youtubers, qui font le constat de leur surendettement tout en accusant la restauration.Le consommateur fonctionne plus en terme d’équilibre qu’en terme de montant dépensé.
Si la semaine a été trop propice à des déjeuners en restauration assise, on va compenser avec de la restauration rapide, une gamelle, et un repas à la maison dans un contexte de télétravail.
La restauration reste un lieu de lâcher prise et de gourmandise, je le répète régulièrement, car cela conditionne un grand nombre de comportements. Lorsqu’elle est bien mise en avant, bien commercialisée, alléchante, véhiculée positivement par un inconnu sur un réseau social, bien associée à la fois à l’établissement mais également à d’autres propositions, ou propice à la singularité en personnalisant son plat par exemple. Lorsqu’elle respecte également la bonne « posologie expériencielle » de convivialité, d’envie, d’émotions/sensations, réconfort, plaisir…. …il est alors possible de premiumiser et rendre l’acte de consommation plus cher, sans pour autant, choquer le consommateur.
C’est cette réalité qui a engendré un burger à 16 € ou une pizza avant qui devient totalement concevable.Cette réalité qui, à un moment donné, va convaincre le consommateur de prendre cette sole de 600 g hors de prix à partager parce que bien vendue par la salle, avec les bonnes origines, le bon accompagnement, voire les 2 verres de Chenin Blanc Nature très compatible et inclus dans le prix.
Bien sûr il y a des limites à cette premiumisation, il y a une frontière à ne pas dépasser. Lors de l’étude que nous menons chaque année pour le sandwich& snack Show, nous avions constaté qu’il y a un prix que le consommateur ne dépassera jamais pour payer un burger pour s’acheter une pizza ou commander un plat du jour. Une limite qui, d’ailleurs est basée sur une frontière plus élevée, lorsque l’on s’adresse à un consommateur de 18-25 ans.
Ce qui est à la fois surprenant, mais également totalement logique. Lorsque l’on considère que toutes les raisons qui peuvent pousser à la premiumisation sont plus visibles à une population plus connectée et qu’il est donc plus facilement possible de dépenser plus pour un acte de consommation unique avec un phénomène de de compensation, préalablement expliqué plus conséquent dans ce cas de figure...
Il est donc évident que la stratégie tarifaire a tout son sens. Ce préambule nous a permis de comprendre les enjeux, plus ou moins importants, ainsi que le contexte qui rappelle qu’un prix doit être à la fois cohérent, défini de manière intelligente et stratégique, sans pour autant tomber dans une sorte de schizophrénie constante.
Pendant des décennies, j’ai rencontré des professionnels qui n’osaient pas augmenter le prix de leur café de deux centimes ou celui de leur baguette d’un centime, craignant que cela ne provoque la perte de leurs clients et, à terme, une faillite.
Cependant, lorsqu’une augmentation est bien calculée, bien expliquée et bien justifiée, elle n’a aucune chance d’affecter durablement les consommateurs, surtout si une alternative économique est proposée pour ne pas les contraindre. Au milieu de tout cela se trouvent les promotions, menus, formules et « combos », qui sont finalement des offres ponctuelles permettant de véhiculer le bon message et d’atteindre le bon objectif.
Le positionnement prix bas est également une solution viable face à ce modèle, mais il y a une limite à ne pas franchir dans le low-cost en restauration. Il est essentiel de respecter un minimum de standards de qualité tout en maintenant un modèle économique solide. De nombreuses enseignes l’ont compris, et pour certaines, c’est même inscrit dans leur ADN ou au cœur de leur concept.
Il y a des prérequis essentiels à respecter dans la définition d’un prix, et chaque décision en la matière entraîne des conséquences. C'est ici que s'achève mon long préambule pour céder la place à des informations plus concrètes, issues de l'expertise d'un spécialiste, notamment en matière de prix.
Je travaille avec Stéphane depuis de nombreuses années, et nous offrons ensemble diverses prestations destinées aux enseignes. Fort de son parcours au sein d'une grande chaîne de restauration rapide, Stéphane possède une expertise pointue sur la définition des prix, leur analyse, leur décryptage et leur stratégie.
Il est donc tout à fait naturel de solliciter son avis sur l'importance et la stratégie que peut représenter le prix. Définir un prix demande une stratégie bien pensée, une construction rigoureuse, des précautions, et mérite incontestablement les conseils éclairés de Stéphane.
... L’enseigne de Fast-Food mentionnée par Nicolas est McDonald’s, où j’ai travaillé un peu plus de 27 ans, d’abord pour la filiale française, puis pour la Business Unit Europe. Sans entrer dans les détails de mon parcours, j’ai commencé à réellement travailler sur les prix en 2000, à l’approche du passage à l’euro.
De formation financière, j’avais été initié aux études consommateurs quelques années auparavant, notamment aux études quantitatives. Un des objectifs était de corréler les résultats des tests organoleptiques à ceux des ventes afin d’optimiser les lancements de nouveaux produits et d’améliorer les prévisions. La préparation au passage à l’euro a été l'occasion de se poser des questions sur la sensibilité prix, telles que : "Quel est le prix minimum ou maximum qu’un client est prêt à payer pour un burger ? Quel est le juste prix ? La perception du prix est-elle uniforme dans tous les restaurants ?". Nous avons mené des études quantitatives en interrogeant les consommateurs et en analysant nos ventes, ce qui nous a permis de vérifier si le couple restaurant-produit affichait des prix appropriés ou s’il fallait ajuster, et de déterminer si nous avions des marges de manœuvre pour augmenter les prix et/ou s'il fallait réfléchir à une stratégie de prix d'appel.
Nous nous sommes aussi interrogés sur la meilleure stratégie à adopter face à l’arrivée de l’euro. Il fallait bien comprendre les appréhensions des consommateurs : leur perception des prix en euros, leur réaction face aux centimes ou aux prix ronds, ainsi que leurs attentes concernant l’affichage des prix.
C’est à cette occasion que j’ai découvert les études qualitatives. Nous avons constaté, par exemple, que la transparence, mentionnée par Nicolas dans son préambule, était essentielle. Les consommateurs attendaient une transparence totale sur les hausses (ou baisses) de prix, ainsi que sur la conversion entre le franc et l’euro. Nous avons donc, comme d'autres, décidé d'étendre la période légale de double affichage des prix au-delà de juin 2002.
Grâce à cette expérience, j’ai pu enrichir mon profil financier avec des compétences en études et marketing, un atout indéniable pour le "pricing", où le langage et les objectifs des uns sont parfois très différents de ceux des autres.
Pourquoi avons-nous décidé, avec Nicolas, de vous parler de stratégie de prix, des prérequis nécessaires et des erreurs à éviter, qu’il s’agisse d’augmentations ou de baisses de prix ?
D'abord parce que très peu de restaurateurs utilisent les études de prix ou les stratégies tarifaires avancées, contrairement à d’autres secteurs. Même si les choses commencent à changer, seules les grandes chaînes de restauration rapide, comme McDonald’s ou Burger King, et quelques restaurants haut de gamme utilisent des techniques avancées et des stratégies sophistiquées.Pour beaucoup, la tarification est perçue comme un processus intuitif et simple : on ajoute une marge au coût des ingrédients et on obtient le prix. Parfois, on observe aussi ce que fait la concurrence.
Malheureusement, la tarification est bien plus complexe que ce que l’on pourrait penser. De nombreuses variables, telles que les fluctuations de la demande, les tendances du marché ou encore la sensibilité des consommateurs, doivent être prises en compte.
L'expertise de nombreux restaurateurs, en particulier les indépendants, se concentre principalement sur les aspects opérationnels (qualité des plats, gestion de l'équipe, relation et expérience client). Cela est tout à fait naturel, car ces éléments sont leurs priorités. Ils estiment souvent que la qualité prime sur le prix et que l'effort à fournir ne réside pas dans la politique des prix. L’idée même d’analyser les prix à l’aide de données, d’algorithmes ou de méthodes complexes peut leur sembler inutile, voire coûteuse.
Ces techniques leur paraissent souvent étrangères, comme des « boîtes noires » qui les effraient et les dissuadent de les explorer. Ils restent sceptiques quant à leur utilité, bien qu’elles pourraient les aider à optimiser leurs prix — un sujet que nous aborderons plus tard. Et même s’ils sont convaincus de leur efficacité, les services des cabinets spécialisés sont souvent trop onéreux pour eux.
C’est pourquoi nous souhaitons ici vous offrir quelques éléments de réflexion, des conseils et des « tips », comme disent les Américains.
Je dis souvent que le pricing est à la fois un art et une science. C’est un équilibre entre des analyses rationnelles et quantitatives (la science) et des éléments plus subjectifs, parfois même intuitifs, qualitatifs et stratégiques (l’art). Elle se situe également au carrefour des stratégies marketing et financières, car elle doit à la fois répondre à des objectifs économiques tout en prenant en compte la perception des consommateurs et les dynamiques du marché.
Cependant, les attentes du marketing et de la finance ne sont souvent pas alignées, créant des tensions. Dans une enseigne structurée, le marketing va chercher à fixer un prix qui convient au plus grand nombre, afin de renforcer la perception de la marque et de maximiser les ventes, même si cela implique une baisse des marges à court terme. La finance, en revanche, va chercher à couvrir les coûts opérationnels, à optimiser son taux de marge et sa rentabilité.
Si je vulgarise, le marketing aura tendance à vouloir baisser les prix pour augmenter la fréquence de visites de ses clients et gagner en pénétration en attirant de nouveaux clients, tandis que la finance préférera augmenter les prix pour améliorer la rentabilité. C’est un peu comme le cerveau gauche et le cerveau droit, il faut les réconcilier.
Il est donc essentiel que le marketing et la finance travaillent main dans la main pour établir une stratégie tarifaire optimale, qui maximisera à la fois l’attrait pour le client et les performances financières de l’entreprise.
Revenant à mon mantra du « pricing » comme un art et une science :
L’art appartient davantage au marketing, avec son approche subjective axée sur la perception et le comportement des consommateurs. Il s’agit ici de comprendre comment les prix sont perçus, influencent l’image de marque et créent un lien avec la clientèle.
· La science relève plutôt de la finance, avec ses analyses quantitatives : l’élasticité de la demande à partir de modèles économiques et d’algorithmes parfois complexes, la modélisation financière des promotions, l’analyse des coûts et les calculs de rentabilité et d’optimisation de marge.
Mon premier conseil est de créer une gouvernance autour du prix. Cela signifie former un groupe de travail regroupant les différents acteurs de l’entreprise ou du restaurant impliqués dans la tarification. Pour une enseigne, il devrait inclure au moins un représentant du marketing et un de la finance. Pour un indépendant, les représentants de la salle et de la cuisine devraient participer.
D’autres départements, comme les achats ou les études consommateurs, peuvent également avoir un rôle à jouer, notamment dans les grandes entreprises. Ce groupe doit travailler en collaboration dès le début de la stratégie tarifaire pour trouver des points de convergence.
Mon second conseil est de s’assurer que la stratégie tarifaire est en accord avec la stratégie globale de l’entreprise. La direction générale ou le propriétaire du restaurant doivent être impliqués, et il doit y avoir un consensus sur le positionnement et les attendus. La stratégie prix dans un fast-food sera différente de celle d’un restaurant gastronomique, mais dans tous les cas, la tarification affectera l’image de l’établissement et influencera la perception du client. Inversement, cette perception jouera aussi sur l’image et le prix.
Autrement dit, si vous optez pour une image premium avec des prix élevés, il est impératif de proposer un service à la hauteur de cette image. Si l'expérience ne correspond pas aux attentes, la satisfaction client sera faible et les prix sembleront excessifs par rapport au service rendu. Cela entraînera une mauvaise image, une baisse de fréquentation, et la rentabilité ne sera pas perenne.
En revanche, si la perception du client est positive, l'image en sera renforcée, les prix seront acceptés, et la rentabilité sera assurée. Aujourd'hui, avec les avis sur Google, La Fourchette, et d'autres plateformes, l'effet sur l'image est bien plus rapide qu'auparavant. Un mauvais retour client a un impact quasi immédiat. Il est donc crucial de surveiller ces avis et d'adapter le service à l'image que l’on souhaite projeter.
Il est essentiel que les prix soient en phase avec votre stratégie : ni trop élevés, ni trop bas. Dans les deux cas, cela peut être risqué. On sait tous que des prix trop élevés réduisent les volumes de vente, mais on oublie souvent que des prix trop bas peuvent aussi avoir un impact négatif. En effet, des tarifs trop bas peuvent semer le doute chez les clients quant à la qualité des produits.
Mon troisième conseil est de mener des études et des analyses de rentabilité. Si vous êtes un groupe de restauration avec plusieurs établissements, faire appel à des consultants externes et à des cabinets spécialisés en tarification et en études consommateurs peut être très bénéfique. C’est ce que des enseignes comme McDonald’s ou Burger King font régulièrement en France.
Si vous êtes un indépendant avec peu de moyens, engager un consultant externe est une bonne idée. Cela vous permettra de mettre en place les études et les analyses vous permettant d’optimiser vos prix et vos marges et de gagner du temps. Bien que cela représente un coût, le retour sur investissement est souvent très satisfaisant.
Si vous choisissez de procéder en interne, voici quatre priorités d’études/analyses à mener :
Sondages/questionnaires clients : Interrogez vos clients avec des questions simples telles que « À quel prix trouveriez-vous ce produit trop cher ? » ou « À quel prix considéreriez-vous ce produit comme une bonne affaire ? ».
Analyse des ventes : Observez comment vos volumes, vos ventes et votre marge évoluent en fonction des changements de prix et des promotions. N'oubliez pas d'analyser ces données sur une longue période pour observer et comprendre les éventuelles érosions.
Étude de la concurrence : Visitez les sites web de vos concurrents et allez dans leurs établissements pour voir comment leurs clients réagissent à leurs offres, s’ils sont ou pas satisfaits de leur visite.
Tests des offres : Proposez des changements de prix, des promotions, des offres ou des services dans certains restaurants et pas dans d’autres, puis comparez les résultats.
Mon quatrième conseil est de bien connaître son marché et ses clients. Il est crucial de suivre l’évolution du marché et les évolutions comportementales des clients à ces nouvelles tendances. Ces dernières années, nous avons vu l’émergence de nouveaux modes de consommation : vente à emporter, drive, click & collect, livraison à domicile, ainsi que de nouvelles attentes telles que le bio, le fait maison, ou les boissons non alcoolisées. Ces tendances façonnent le marché, et il est important de les anticiper pour rester compétitif. Utiliser des outils de veille ou des abonnements à des services spécialisés est un excellent moyen de suivre ces évolutions.
Les nouvelles tendances ont également introduit de nouvelles valeurs chez les consommateurs :
La valeur des biens et services : Aujourd'hui, le consommateur est bien informé et cherche à faire des choix éclairés. Il est devenu plus attentif à ses dépenses, surtout dans un contexte d'incertitudes économiques, et exige plus pour chaque euro dépensé.
La réassurance et l'authenticité : Les clients veulent des produits « vrais », ils souhaitent savoir d’où viennent les produits et comment ils sont fabriqués.
Le partage : Cette valeur, renforcée par la pandémie, est devenue une attente forte. Les consommateurs cherchent des produits à partager, et le prix joue un rôle clé dans cette dynamique. Même si le prix semble élevé, un bon discours peut éviter la perception de cherté.
L'instantanéité : Cela se traduit par la demande croissante pour la vente à emporter et la possibilité de manger à n’importe quel moment, sans contrainte de temps.
La transparence : Comme l'a souligné Nicolas, la transparence des prix est essentielle. Il n'y a rien de pire pour un client que de se sentir trompé. Afficher clairement vos prix est primordial pour instaurer un climat de confiance avec vos clients.
En suivant ces conseils, vous pourrez aligner vos prix avec votre stratégie, satisfaire vos clients et assurer la pérennité de votre entreprise.
En effet, le consommateur ne se contente pas de regarder le prix, il évalue également la valeur du produit et des services qu’il reçoit en retour. Comme l’a dit Warren Buffet : ‘Price Is What You Pay, Value Is What You Get’ (Le prix, c'est ce que vous payez, la valeur, c'est ce que vous obtenez).
Lorsqu’on va déjeuner ou dîner dans un restaurant, on y recherche une expérience. Cette expérience résulte d’une combinaison de facteurs : le nom ou la notoriété du restaurant, la diversité ou l’originalité du menu, la qualité du service et des produits. C’est l’ensemble de ces éléments qui détermine si l’on est prêt à payer un certain prix pour vivre cette expérience.
L’enjeu est donc de trouver le juste équilibre entre le prix demandé et la valeur perçue par le client. Si cet équilibre est atteint, le consommateur aura l’impression d’en avoir pour son argent, ce qui renforcera sa satisfaction et sa fidélité.
Mon cinquième et dernier conseil est de se faire accompagner par des experts. Certains diront que je prêche pour ma paroisse, et c’est vrai, mais je suis convaincu qu’un consultant peut accélérer et affiner le processus. Comme je l’ai déjà mentionné, un consultant externe, quelle que soit la taille de l’entreprise, aide à appliquer les conseils que j’ai partagés : il met en place la gouvernance, définit les objectifs prioritaires, identifie les études essentielles, sélectionne les outils adaptés, et suit les cabinets d’études.
Ces tâches, bien que cruciales pour améliorer la rentabilité à long terme, demandent des compétences spécifiques et peuvent être très chronophages, empiétant ainsi sur les responsabilités quotidiennes des opérationnels.
Alors que l’inflation ralentit, je souhaite terminer en partageant cinq règles importantes à suivre lorsque vous envisagez d'augmenter vos prix, surtout en période de faible inflation :
Préférez plusieurs petites augmentations plutôt qu’une seule et forte hausse.
Choisissez des périodes peu sensibles : évitez d’augmenter les prix lors de périodes où les services publics appliquent aussi des hausses, car cela attire l’attention des clients.
Distinguez les produits sensibles de ceux qui le sont moins : augmentez en priorité les prix des produits moins sensibles.
Définissez une échelle de prix liée à la perception de chaque produit : si deux produits ont une perception similaire, leurs prix doivent l’être aussi. Si ce n’est pas possible, ajustez les compositions ou le merchandising.
Vérifiez votre avantage concurrentiel : un produit similaire chez un concurrent doit avoir un prix proche, sauf si une différence notable justifie un prix plus élevé.
Pour ceux qui sont encore avec nous à ce stade, Stéphane et moi espérons que vous avez trouvé des informations utiles dans cet article.
En fin de compte, « définir le juste prix » est un art subtil que chaque restaurateur, chaîne ou fournisseur doit maîtriser.
Au-delà des calculs et des marges, il s'agit de créer une offre cohérente, attractive et fidélisante, sans jamais donner au client l’impression d’être « pris pour un pigeon ». Tout l’enjeu est là : naviguer entre perception et réalité, entre stratégie et intuition, afin que le prix devienne un atout et non un obstacle. Car, en restauration comme ailleurs, il n’y a rien de pire que de laisser passer une bonne opportunité. Soyons donc vigilants pour que le prix soit une véritable force stratégique !
Comments