La folle Histoire de la Gen Z...au restaurant
- Nicolas Nouchi
- 10 avr.
- 8 min de lecture

Z comme Zigzag : La génération qui fait perdre le nord aux restaurateurs
Nous voilà tout juste revenus du Snack Show, grand-messe parisienne du secteur qui s'est tenue les 2 et 3 avril derniers. L'occasion pour nous de présenter, en partenariat avec RX, notre étude "Speak Snacking" - disponible en téléchargement intégral pour les plus courageux sur notre site.
Entre inflation galopante, pouvoir d'achat en berne et consommateurs qui boudent de plus en plus les repas du soir hors domicile, le secteur navigue en eaux troubles. Pourtant, au milieu de ce marasme économique, la restauration rapide et surtout la boulangerie pâtisserie continue de se développer, surfant sur les vagues successives de crises avec une agilité qui ferait pâlir un contorsionniste olympique.
Mais s'il y a bien un enseignement qui saute aux yeux cette année - plus encore que lors des cinq précédentes éditions - c'est l'influence considérable qu'exerce désormais la génération Z sur notre marché. Ces jeunes adultes nés après 1997 sont les consommateurs d'aujourd'hui et, qu'on le veuille ou non, ceux de demain.
Et quelle génération déconcertante ! Imaginez une créature capable de poster à 14h un manifeste enflammé contre la malbouffe et ses effets néfastes sur Instagram, puis de se précipiter à 18h chez McDonald's, smartphone en main, pour immortaliser sa commande de Big Mac. La même qui vous explique l'importance cruciale de protéger sa vie privée en ligne... avant de documenter méticuleusement chaque seconde de son existence sur TikTok.
Comprendre cette génération de paradoxes ambulants est devenu la clé pour anticiper les évolutions du marché. Car aussi contradictoire soit-elle, la Gen Z reste profondément investie dans la consommation hors domicile et particulièrement concernée par tous les aspects du snacking. Notre étude nous offre quelques clés pour décoder ces consommateurs qui semblent avoir fait du zigzag comportemental un art de vivre...
Fauchés mais flambleurs : Le paradoxe financier de la génération Z
Vous pensez que la génération Z, ces jeunes adultes prétendument fauchés qui se plaignent constamment des loyers exorbitants et de l'inflation galopante, seraient les champions de la frugalité alimentaire ? Détrompez-vous ! Nos amis de la Gen Z dépensent en moyenne plus de 40 euros par semaine pour manger hors domicile, pulvérisant allègrement la moyenne nationale établie à 36,90 euros par personne.
Comment expliquer ce miracle économique digne des multiplications des pains ? D'abord, leur mode de vie est radicalement différent. Quand les millennials et les boomers s'acharnent à préparer des batch cooking dominicaux, nos Z préfèrent largement l'option "pourquoi cuisiner quand on peut commander ?". Beaucoup d'entre eux profitent encore du confort du nid familial (le fameux syndrome du "Tanguy gourmet"), réduisant drastiquement leurs charges fixes et libérant un budget conséquent pour satisfaire leurs caprices gastronomiques.
Ajoutez à cela l'influence hypnotique des réseaux sociaux, véritables catalyseurs de FOMO ("Fear Of Missing Out") culinaire. Ces plateformes génèrent des phénomènes de masse hallucinants, comme ces inconditionnels plantant leurs tentes devant le flagship Krispy Kreme de Châtelet la veille de son ouverture - une scène qu'on croyait réservée aux concerts de U2 ou aux soldes chez Apple. Ou encore cette municipalité de Lorient contrainte de fermer son centre-ville aux voitures pour l'inauguration parfaitement orchestrée d'un Black & White Burger.
Et remarquez bien : dans ces files d'attente interminables, point de seniors... à moins qu'ils n'accompagnent leurs petits-enfants, comme on emmènerait sa progéniture à un concert de Taylor Swift - avec ce même regard mi-consterné, mi-inquiet.
Cette génération a également perfectionné l'art de la compensation alimentaire, alternant joyeusement entre périodes d'ascétisme nutritionnel et festins gargantuesques. C'est simple : lundi, salade verte et eau plate ; mardi, burger triple étage et milkshake XXL. L'équilibre, selon eux, c'est sur la semaine qu'il se calcule !
Malgré le contexte économique morose, ces jeunes consommateurs restent plus enclins que les autres générations à "premiumiser" leurs expériences alimentaires. Quand on leur demande le prix maximum qu'ils seraient prêts à débourser pour diverses options de snacking, leurs réponses font systématiquement grimper la moyenne. Ils connaissent sur le bout des doigts les concepts branchés, les produits en vogue, et peuvent même créer la tendance de demain d'un simple post Instagram bien placé.
Si leur préférence penche nettement vers la restauration rapide plutôt que vers la cuisine traditionnelle, des signes avant-coureurs indiquent un intérêt naissant pour la cuisine de grand-mère, comme détaillé dans notre analyse sur les traditions culinaires. Une évolution qui pourrait redonner un second souffle à la restauration assise.
En définitive, le portefeuille d'un Gen Z semble avoir été conçu pour s'ouvrir généreusement face à la street food et la restauration rapide. Cela préfigure la construction progressive d'une maturité culinaire chez ces consommateurs qui, dans la prochaine décennie, verront leur pouvoir d'achat et leurs habitudes de consommation hors domicile évoluer. Pour les restaurateurs avisés, voilà qui dessine de belles perspectives d'avenir...
Food explorers : La carte du monde dans leur assiette
Plongeons dans le régime alimentaire de la génération Z, ces aventuriers culinaires qui redessinent silencieusement notre paysage gastronomique. Lorsque nous les interrogeons sur leurs habitudes de consommation, un constat s'impose : ils mangent tout, et en plus grandes quantités que leurs aînés.
La pizza, déjà star incontestée des tables françaises avec 46% d'adeptes au niveau national, voit sa cote grimper à 51% chez les Z. Rien de surprenant jusque-là. Mais c'est en explorant le reste de leur menu que l'on prend véritablement la mesure de leur influence.
Des produits encore balbutiants dans les habitudes nationales sont déjà solidement ancrés dans le quotidien de ces jeunes prescripteurs de tendances. Le poulet frit, loin d'être une simple mode passagère, séduit déjà deux consommateurs Z sur dix. Quant au French tacos, cette invention franco-française qui fait hurler nos voisins mexicains d'indignation, il a conquis un Z sur quatre. Une proportion qui ferait pâlir d'envie bien des restaurateurs traditionnels !
La liste s'allonge avec une myriade de propositions ethniques que la génération Z a adoptées comme si elles avaient toujours fait partie du patrimoine culinaire hexagonal : ramen japonais, bobun vietnamien, burrito mexicain ou naan indien... Là où leurs parents hésitaient encore à prononcer correctement ces noms exotiques, eux les commandent avec l'assurance de connaisseurs aguerris.
Le même phénomène se reproduit côté sucré, où la pâtisserie américaine s'envole littéralement quand on isole les données des jeunes générations. Du cookie géant au brownie en passant par le cinnamon roll, ces douceurs d'outre-Atlantique trouvent un public enthousiaste chez nos Z.
Ces habitudes alimentaires dessinent plusieurs tendances d'avenir. D'abord, l'émergence d'une variété croissante de concepts répondant à leurs attentes, souvent orientés vers le régressif, ce "plaisir coupable" si prisé par une génération qui oscille constamment entre culte du corps sain et satiété immédiate.
Ensuite, une diversification inévitable des cartes de restauration assise qui, pour rester dans la course, devront proposer des options sortant des sentiers battus de la cuisine traditionnelle. Le burger ne suffira plus, il faudra innover au-delà.
Paradoxalement, cette ouverture laisse aussi une place pour des offres traditionnelles revisitées - comme le flan pâtissier ou le panini - à condition qu'elles racontent une histoire et offrent ce "moment Instagrammable" tant recherché. Le succès d'enseignes comme Paris & Co en est la parfaite illustration : des recettes classiques mais visuellement spectaculaires qui font le bonheur des réseaux sociaux.
Ce qui se dessine, c'est le développement progressif d'un palais universel, probablement plus sensible à l'esthétique qu'à la singularité des saveurs, privilégiant la satiété plutôt que la subtilité. Et, ironie suprême, plus attaché à l'apparence de transparence qu'à la transparence elle-même. L'important n'est pas tant ce qu'il y a dans l'assiette que le récit qu'on en fait...
Le café, c'est has-bean : La révolution des boissons chaudes
Impossible de clore ce panorama de la génération Z sans évoquer la révolution silencieuse qui s'opère dans nos tasses. La boisson chaude, ce pilier discret mais essentiel de notre gastronomie, devient un moteur de transformation pour tout le secteur du hors-domicile.
Premier constat étonnant : seulement 60% des consommateurs de boissons chaudes en consomment hors de chez eux. Un potentiel de développement colossal qui n'a pas échappé aux entrepreneurs avisés, qu'il s'agisse de grandes enseignes comme Columbus Café qui a conquis l'Hexagone ou d'autodidactes passionnés qui ouvrent leur échoppe de quartier.
Cette tendance offre l'opportunité de diversifier son activité, de donner un coup de jeune à son établissement en repensant son offre, ou simplement de se lancer dans un concept entièrement dédié. La boisson chaude devient ainsi le cheval de Troie parfait pour conquérir d'autres moments de consommation et étendre son expertise.
Les approches se multiplient : du barista local qui mise sur la qualité de son équipement au torréfacteur hipster qui vous raconte l'histoire de son café colombien, cultivé à la main et transporté par des voiliers à énergie solaire (cela existe, je vous assure).
Mais le plus fascinant dans cette évolution, c'est le bouleversement des hiérarchies. Notre étude révèle un déclin progressif de la domination des cafés-bars-restaurants traditionnels au profit des boulangeries, de la restauration rapide et, bien sûr, des coffee shops spécialisés.
Et comme toujours, la génération Z est à l'avant-garde de cette mutation. Ils fréquentent déjà massivement ces nouveaux temples de la boisson chaude, loin des comptoirs en zinc où leurs grands-parents avalaient leur petit noir.
Le changement le plus spectaculaire ? Pour la première fois dans l'histoire de nos habitudes de consommation, le cappuccino (42%) et même le chocolat au lait (38%) détrônent l'espresso (30%) dans le cœur des Z, alors qu'au niveau national, le petit noir reste encore la boisson chaude favorite des Français.
C'est le début d'une nouvelle ère qui soulève de nombreuses questions : verrons-nous la fin du traditionnel espresso du déjeuner ? Les cafés classiques céderont-ils la place à des créations plus élaborées et photogéniques ? Les enjeux sont considérables et mériteraient certainement un atelier de réflexion stratégique... que nous proposons justement à nos clients chez Strateg'eat ! (ça y est, après tant d'articles, nous avons enfin réussi à placer une référence à notre métier de conseil en stratégie !)
Cette brève exploration des habitudes de la génération Z au restaurant n'est que la partie émergée de l'iceberg. Nous aurions pu aborder bien d'autres aspects : leur rapport à la livraison, leurs attentes en matière de développement durable, leur sensibilité aux marques... Autant de sujets passionnants que nous vous invitons à explorer avec nous.
En attendant, si vous croisez un jeune adulte absorbé par la réalisation du cliché parfait de son matcha latte, avant de lever les yeux au ciel, rappelez-vous qu'il est en train de façonner le futur de notre restauration. Comme dirait le papa d'un influenceur Z : « Va comprendre Charles ! »
La génération Z au restaurant : Ce n'est que le début du menu...
Notre exploration des habitudes de la génération Z au restaurant touche à sa fin, mais reconnaissons-le : nous n'avons fait que gratter la surface de ce sujet fascinant. Comme pour un menu dégustation dont nous n'aurions savouré que les mise en bouche, il reste tant d'aspects à découvrir sur ces consommateurs qui réinventent nos codes alimentaires.
Nous aurions pu approfondir leur relation complexe avec la livraison à domicile - ces mêmes jeunes qui peuvent commander trois fois par jour sur Uber Eats tout en militant contre la précarité des livreurs que nous avions constaté sur l'étude de 2024. Ou explorer leur sensibilité sélective au développement durable - exigeant des emballages biodégradables pour leur burger triple viande.
Que dire de leur rapport aux marques, oscillant entre fidélité inconditionnelle et infidélité chronique selon les tendances du moment ? De leur quête de personnalisation extrême qui pousse les enseignes à multiplier les options ? De leur sensibilité aux valeurs affichées par les restaurants qu'ils fréquentent ?
L'étude Speak Snacking regorge d'autres particularismes que nous n'avons pas eu l'occasion d'aborder : leur utilisation des technologies en restaurant, leurs critères de choix d'établissement, ou encore leur capacité d'influence sur les autres générations.
Cette génération paradoxale, souvent caricaturée, mérite qu'on s'y attarde davantage tant elle façonne déjà - et façonnera encore plus demain - le paysage de notre restauration. Leurs contradictions apparentes ne sont peut-être que le reflet d'un monde en pleine mutation, où les certitudes d'hier ne tiennent plus face aux défis de demain.
Si cet aperçu vous a donné l'eau à la bouche, sachez que chez Strateg'eat, nous explorons ces tendances en profondeur pour aider les professionnels à naviguer dans ce nouveau paysage de consommation. Car comprendre la génération Z, c'est déjà anticiper la restauration de demain.
Et comme dirait un Z : "C'est juste trop ouf, en vrai !"
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