Plan B dans l’assiette… les alternatives
- Nicolas Nouchi

- 6 juil.
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Dernière mise à jour : 10 juil.
Si la restauration a longtemps joué la carte du grand classique, elle doit aujourd’hui composer avec un nouveau menu : celui du choix. Plus que jamais, les alternatives s’invitent dans nos assiettes : végétales, sans lait, sans œuf, sans gluten… et bien plus encore. Mais attention : il ne s’agit pas ici d’obligation, ni de conversion forcée.
La vraie nouveauté, c’est la liberté de piocher, d’explorer, de choisir : pour une question de goût, de curiosité, de santé ou de conviction, chacun peut désormais trouver son “plan B”, parfois même sans s’en rendre compte.
Ce mouvement n’est pas une simple tendance, mais un nouveau terrain de jeu pour les restaurateurs et un marqueur de modernité pour les consommateurs.
L’alternative s’impose non pas en opposition, mais aux côtés du classique, enrichissant le quotidien et l’offre, répondant à une demande multiple : envie de variété, de transparence, de découverte, ou simplement de faire différemment… aujourd’hui ou demain.
Le “plan B” n’est plus une exception discrète.
C’est une composante naturelle de la restauration contemporaine, un choix possible à chaque service, qui trouve sa place dans le quotidien – et l’estomac – des Français.
Difficile d’imaginer la restauration d’aujourd’hui sans l’incroyable palette d’alternatives qui s’est déployée ces dix dernières années. Mais avant que les “steaks végétaux” ne débarquent sur les grills des fast-foods et que le fromage végétal ne tente de dégouliner dans un burger l’alternative s’est introduite en cuisine par une voie beaucoup plus discrète : la curiosité culinaire.
On l’oublie parfois, mais l’apparition du lait de coco et de la crème de coco dans les cuisines françaises ne répondait à aucune injonction vegan ou sans lactose. Il s’agissait simplement d’ouvrir la porte à d’autres goûts, d’autres textures, d’autres horizons, en écho aux recettes venues d’Asie ou d’Afrique.
Il en est de même pour les autres laits végétaux qui ont rapidement occuper une place de choix dans les rayons de nos supermarchés avant de faire mousser le cappuccino & autres boissons gourmandes (parfois gustativement discutables pour les moins jeunes générations). Dans cette logique, l’alternative n’était pas une réponse à un “moins”, mais un appel au “plus” : plus d’expériences, plus de voyages, plus de transparence, plus de gestes pour la planète, plus d’idées pour bousculer le quotidien du plat.

Ce n’est que plus tard que la viande a ouvert la voie du “remplacement”
Le fameux « patty » végétal ou le burger “plant-based” sont arrivés d’outre-Atlantique, portés par la vague technologique et le storytelling de start-ups. Il y avait alors pour certains produits, dès la première bouchée, un vrai effet “wahou” : bluffant par la ressemblance. Et parfois, pour d’autres produits un aspect déroutant côté texture ou goût, surtout pour ceux qui attendaient l’illusion parfaite.
Beaucoup ont oscillé entre fascination (l’innovation, la prouesse technique) et réticence (l’éloignement du goût “vrai”, la liste d’ingrédients discutables, le sentiment de consommer un “OVNI alimentaire”). En résumé, l’alternative viande a commencé comme une curiosité de niche, une opportunité de business pour des startups audacieuses, une sorte de tour de force à raconter plus qu’un réflexe à adopter.
Mais le mouvement ne s’est pas arrêté là
En parallèle, d’autres alternatives ont pris racine dans nos habitudes, parfois sans bruit :
Les matières grasses : la margarine, née au XIXe siècle pour offrir une option moins chère que le beurre, s’est imposée dans la boulangerie (croissant ordinaire vs. croissant au beurre), puis s’est diversifiée avec les beurres végétaux, huiles originales et crèmes sans lait.
Encore plus de laits végétaux : l’offre s’est littéralement envolée, portée par les grandes marques et les rayons des épiceries bio (lait d’amande, d’avoine, de riz, de soja…). Ici, le choix est dicté par des raisons de goût, d’intolérance, de conviction, mais aussi simplement par l’envie de tester autre chose, “pour voir”.
Les huiles, crèmes, substituts : tournesol, colza, coco, crèmes végétales, glaces sans lait… chaque catégorie s’est enrichie d’alternatives, d’abord destinées aux initiés, aujourd’hui proposées à tous.
Et d’autres thématiques : et il y en a beaucoup comme le poisson, les œufs, les farines, les sauces et bouillons, le pain, le miel, la gélatine, les alcools,…., en passant même par les emballages
Ce qui était marginal, réservé aux rayons bio ou aux restaurants spécialisés, entre progressivement dans la norme, en grande partie grâce à l’amélioration technologique. Les “nouvelles générations” d’alternatives végétales ont beaucoup progressé en texture, en goût, en usage : couper une viande végétale qui “saigne”, faire fondre un fromage vegan sur une pizza, retrouver la gourmandise d’une glace végétale : autant de prouesses qui brouillent la frontière entre le “vrai” et l’alternatif.
L’innovation, les investissements massifs et l’explosion de la demande font que le végétal bluffe, surprend et parfois dépasse même les attentes… y compris pour les chefs.
Pour autant, cette révolution n’est pas homogène
Tous les circuits de restauration ne l’adoptent pas au même rythme. Les grandes chaînes ont été pionnières sur certains segments (le burger végétal devenu “option de base” chez beaucoup), tandis que la restauration classique, bistronomique ou gastronomique s’est approprié les alternatives en les mettant au service de la créativité, plus que du remplacement.

À travers ce foisonnement, une certitude : l’alternative n’est plus marginale. Elle propose aujourd’hui une vraie diversité, elle n’est plus seulement la réponse à un besoin d’exclusion (sans gluten, sans lactose…), mais une offre complète, attractive, valorisée dans la carte, parfois même mise en avant comme “nouveau plaisir” ou “nouvelle expérience”.
Alors, cette mutation de l’alimentation, ce “plan B” aux mille visages, qu’est-ce qu’elle engendre ? Est-ce devenu un passage obligé pour tous, ou simplement une possibilité en plus dans l’arsenal des restaurateurs ? Quelle place, demain, pour les alternatives : généralisation, spécialisation, ou simple choix parmi tant d’autres ?
Quelles que soient les convictions ou les habitudes du restaurateur, il devient aujourd’hui évident que proposer des alternatives, même ponctuelles, fait désormais partie du paysage.
Au départ, ce sont les matières premières “basiques” – beurre, crème, farine, huile – qui offrent la première marche : remplacer, ajuster ou compléter avec des produits végétaux, sans gluten ou innovants, c’est d’abord un choix pratique ou une opportunité de tester de nouvelles recettes, parfois parce que le chef en a envie, parfois parce que le marché ou la carte l’y invite. Mais pour beaucoup, ces alternatives restent encore sur des volumes modestes, en réponse à une demande spécifique ou à une envie passagère.
La boulangerie-pâtisserie, la panification et la “coffee shop culture” ont rapidement pris le relais. L’exemple de Land & the Monkeys, entièrement axée sur la boulangerie végétale, prouve que la nouvelle génération – notamment les plus jeunes – est prête à s’emparer du sujet, pour le plaisir et la curiosité, mais aussi pour affirmer une identité culinaire. Les grandes enseignes de fast-food suivent le mouvement : leur gamme végétale grandit, portée par la gourmandise autant que par l’air du temps.
Du côté de la restauration assise, la démarche reste parfois plus mesurée. Proposer un plat 100 % végétal ou une alternative à la viande, ce n’est pas (encore) une obligation : certains préfèrent explorer la création purement végétale, d’autres continuent de valoriser les classiques. Pourtant, la logique de l’alternative dépasse le “sans” ou le “remplacement” : c’est souvent l’occasion de redécouvrir des produits : pain au levain sans gluten, recettes à base de sarrasin ou de quinoa, farines inédites… Autant de pratiques qui enrichissent l’offre et ouvrent la porte à de nouvelles formes de créativité.
Ce qui fait la différence, c’est la capacité de l’alternative à trouver du sens – pour le chef comme pour le client.
Un pain sans gluten, une option vegan, un dessert sans œuf : ce sont des choix qui répondent à un besoin réel de diversité, de transparence et d’ouverture, même si leur adoption n’est pas systématique ni massive.
Mais le marché évolue : certaines alternatives gagnent en pertinence et s’installent, d’autres feront peut-être le tour du cadran avant de disparaître. C’est le jeu de l’innovation, de l’offre et de la demande. Au cœur de ce processus, on trouve toujours la même vérité : celle du consommateur.
Le consommateur français est aujourd’hui multiple, infidèle aux dogmes, d’un niveau d’exigences ultime, mais fidèle à la liberté de choisir. En groupe, en famille, entre amis, il y aura toujours un convive à la recherche d’une alternative – pour une raison précise ou par pure envie du moment. L’alternative s’impose alors comme une composante naturelle de la carte, une marque d’attention à la diversité, et surtout un formidable levier d’expérience. Il ne suffit donc pas de regarder les volumes de vente de recettes à base d’alternatives mais d’observer également les évolutions des paniers d’achats qui en contiennent.
Trois ou quatre grandes perspectives se dégagent pour les alternatives
Pousser à la découverte : Ouvrir les papilles, proposer l’inattendu, transformer l’exception en expérience ;
Répondre à la demande “juste pour maintenant” : Satisfaire le flexitarien, l’explorateur occasionnel, le curieux du moment ;
Véhiculer la transparence : Sur les ingrédients, les process, la promesse, l’histoire du produit ;
Générer de la valeur : Parfois économique, mais aussi émotionnelle, culturelle, expérientielle ;
Rester gourmand et inclusif : L’alternative ne doit pas être vécue comme un compromis, mais comme une opportunité de plaisir à part entière.
C’est bien cette trajectoire qu’on observe de plus en plus d’acteur sur ce marché qui mettent en valeur un produit gourmand et séduisant qui vient compléter l’offre actuelle. Un signe que le “Plan B” n’a jamais été aussi séduisant… et qu’il a désormais une place dans l’assiette.











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